Outils personnels
Navigation

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Vous êtes ici : Accueil RessourcesPlan d'aplatissement, plans de schistosité (S) et plans de cisaillement (C)

Article | 26/03/2007

Plan d'aplatissement, plans de schistosité (plans S) et plans de cisaillement (plans C)

26/03/2007

Dequincey Olivier

ENS de Lyon / DGESCO

Thomas Pierre

ENS de Lyon, Laboratoire des Sciences de la Terre

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Relation schistosité - cisaillement : plans S, plans C.


Les roches déformées montrent généralement des surfaces liées aux épisodes successifs de la vie des roches : surfaces stratigraphiques, fractures, débits macroscopiques ou "schistosités" diverses.

Parmi les surfaces rencontrées, les plans S et les plans C : schistosité et cisaillement. À quoi correspondent ces deux surfaces ? Que représente la schistosité ? Quelle est l'origine des plans C ? Quels sont les renseignements apportés par ces surfaces sur les déformations subies par la roche ?

Déformation, plan d'aplatissement, schistosité

Le terme schistosité a plusieurs définitions possibles. Le sens ancien considère comme plan de schistosité tout débit visible dans une roche. Les fractures, quand elles sont nombreuses et parallèles, sont alors incluses, de même que les plans de stratification dans les schistes houillers, les schistes carton... Un sens plus récent indique les structures planaires d'origine tectonique (tectono-métamorphique) même si elles n'impliquent pas de débit de la roche à l'état macroscopique. La schistosité est alors tout simplement le plan d'aplatissement maximal de la roche.

Une roche soumise à contraintes peut se déformer. Certains éléments (minéraux, fossiles, ...) peuvent servir de marqueurs de cette déformation. En effet, connaissant (ou supputant) leur état initial, on en déduit l'intensité des déformations dans les directions de l'espace. On représente alors l'ellipsoïde des déformations qui correspond à la déformation d'un objet théorique initialement sphérique.

Par souci de simplification, les dessins ci-après sont en 2D en considérant qu'aucune déformation n'a lieu perpendiculairement au plan du dessin. On représentera donc le cercle initial et l'ellipse des déformations. Le grand axe de l'ellipse (figure 1) correspond à la direction d'allongement, direction perpendiculaire à la direction de raccourcissement : on parle de direction d'aplatissement ou ici, par passage abusif à la 3D, de plan d'aplatissement : plan sur lequel la matière migre du fait du raccourcissement perpendiculaire.

Ellipse des déformations et plan d'aplatissement

Figure 1. Ellipse des déformations et plan d'aplatissement

La schistosité correspond aux structures se développant selon le plan S d'aplatissement.


Dans cet article s'intéressant aux plans S et C, on appelle schistosité uniquement les structures planaires développées selon ce plan d'aplatissement (plan S).

Nous allons voir séparément les deux cas extrêmes de déformation aboutissant à la naissance d'une schistosité. Nous verrons d'abord l'aplatissement - étirement puis le cisaillement pour lequel une seconde structure planaire peut apparaître : les plans C.

Déformation par « cisaillement pur » (pure shear, en anglais)

Un niveau géologique soumis à un cisaillement pur voit son épaisseur diminuer selon la direction de raccourcissement et s'étire selon la direction d'allongement (figures 2 à 4) (d'où parfois l'appellation non rigoureuse d'aplatissement-étirement). La déformation se fait à volume constant, ici à surface constante dans nos schémas en 2D. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement.

Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 1/3

Figure 2. Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 1/3

État initial. La surface de la couche reste constante par la suite (pas de déformation perpendiculairement à l'écran).


Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 2/3

Figure 3. Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 2/3

Déformation modérée. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement.


Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 3/3

Figure 4. Déformation par aplatissement-étirement (pure shear) 3/3

Déformation importante. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement.


Dans le cas du pure shear, on remarque que le grand axe de l'ellipse des déformations garde la même orientation au cours de la déformation : on parle de déformation non-rotationnelle. Seule l'intensité cumulée de la déformation varie au cours du temps.

Déformation par « cisaillement simple » (simple shear, en anglais)

Un niveau géologique soumis à un cisaillement parallèle à l'un de ses côtés, garde une épaisseur constante mais ses flancs non-parallèles au cisaillement s'étirent (figures 5 à 7). La déformation se fait à volume constant, ici à surface constante dans nos schémas en 2D. Dans le cas d'une déformation continue, une schistosité selon le plan d'aplatissement se développe.

Déformation continue par cisaillement (simple shear) 1/3

Figure 5. Déformation continue par cisaillement (simple shear) 1/3

État initial. La surface de la couche reste constante par la suite (pas de déformation perpendiculairement à l'écran).


Déformation continue par cisaillement (simple shear) 2/3

Figure 6. Déformation continue par cisaillement (simple shear) 2/3

Déformation continue modérée. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement.


Déformation continue par cisaillement (simple shear) 3/3

Figure 7. Déformation continue par cisaillement (simple shear) 3/3

Déformation continue importante. Une schistosité se développe selon le plan d'aplatissement qui se rapproche de la direction (du plan, en 3D) de cisaillement.


Dans le cas du simple shear, on remarque que le grand axe de l'ellipse des déformations tend progressivement vers la direction de cisaillement : on parle de déformation rotationnelle. L'intensité cumulée de la déformation varie au cours du temps, mais le plan d'aplatissement résultant "tourne" aussi et tend progressivement à se paralléliser au plan de cisaillement.

Le cisaillement entraîne aussi souvent une part de déformation discontinue : des mouvements relatifs ont lieu le long des plans de cisaillement qui débitent la roche parallèlement au plan général de cisaillement de la roche (figure 8). Schistosité (plans S, déformation continue) et cisaillement (plans C, déformation discontinue) accommodent ensemble la déformation. La schistosité devient sigmoïde car la déformation continue devient non-homogène, elle est plus intense à proximité des plans C (figures 9 à 11) et donc se rapproche du plan de cisaillement.

Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 1/3

Figure 8. Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 1/3

Déformation importante, partiellement discontinue. Des plans de cisaillement se développent et "perturbent" la schistosité.


Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 2/3

Figure 9. Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 2/3

Déformation importante partiellement discontinue. Les ellipses sont "sigmoïdes".


Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 3/3

Figure 10. Déformation discontinue par cisaillement (simple shear) 3/3

Déformation importante partiellement discontinue. Plans C parallèles au cisaillement et schistosité sigmoïde visible même en l'absence de marqueurs déformés.


La roche "cisaillée" montre donc des plans de cisaillement (plans C) parallèles à la direction générale de cisaillement, et une schistosité (plans S) qui indique le sens de cisaillement (le cisaillement tend à coucher la schistosité selon les plans C) (figure 11).

Modélisations analogiques simples

Ces deux cas extrêmes de déformation peuvent facilement être visualisés à l'aide d'un gant élastique (type gant de chirurgien), d'un jeux de cartes et d'un crayon pour dessiner des marqueurs de déformation.

Modélisation du cisaillement pur ou pure shear

Des cercles dessinés sur un gant sont des marqueurs de déformation. On étire le gant, celui-ci "s'aplatit" alors dans la direction perpendiculaire (l'épaisseur de la couche géologique diminue). On observe la déformation progressive des cercles en ellipses de plus en plus allongées (images 11 et 12) indiquant les plans de schistosité.

Modélisation d'un pure shear

Figure 11. Modélisation d'un pure shear

État initial


Modélisation d'un pure shear

Figure 12. Modélisation d'un pure shear

État final.


Cisaillement pur.

Modélisation du cisaillement simple ou simple shear

Un jeu de cartes permet de modéliser un cisaillement simple. On dessine sur sa tranche un cercle initial. En cisaillant le jeu de carte, on modélise un simple shear. Le glissement des cartes les unes sur les autres est une déformation discontinue, mais si le cisaillement reste homogène alors la déformation apparaît continue à l'échelle du cercle.

En déformation continue, on observe que la déformation est bien rotationnelle : l'ellipse (et donc la schistosité) est de plus en plus "penchée" (images 13 à 15). L'épaisseur du jeu de carte reste bien constante.

Modélisation d'un simple shear avec cisaillement homogène

Modélisation d'un simple shear avec cisaillement homogène

Modélisation d'un simple shear avec cisaillement homogène

Cisaillement simple continu.

Lorsque le cisaillement devient non-homogène (certaines cartes glissent plus les unes sur les autres par rapport au reste du paquet), on observe l'apparition de plans de cisaillement (images 16 à 18).

Modélisation d'un simple shear avec cisaillement non-homogène

Modélisation d'un simple shear avec cisaillement non-homogène

Figure 17. Modélisation d'un simple shear avec cisaillement non-homogène

État transitoire. Un plan de cisaillement apparaît.


Modélisation d'un simple shear avec cisaillement non-homogène

Figure 18. Modélisation d'un simple shear avec cisaillement non-homogène

État final. Un plan C est bien visible.


Cisaillement simple discontinu.

Pour visualiser directement la schistosité et son caractère sigmoïde avec le jeu de carte, il est possible soit de dessiner plusieurs petits cercles sur la tranche de manière à voir plusieurs ellipses intégrant des déformations non-homogènes sur la largeur du jeu de carte, soit de tracer un trait dans la largeur du jeu (perpendiculairement au plan de cisaillement) qui correspond au grand axe de l'ellipse de déformation (la schistosité), ou plutôt aux grands axes initialement alignés des petites ellipses précédentes.

Échantillons géologiques

Les deux cas extrêmes décrits ci-avant ne sont pas inconciliables : les déformations subies par les roches sont généralement un mélange des deux avec prépondérance d'un phénomène sur l'autre. De plus, pour des déformations cisaillantes très intenses, la parallélisation des structures d'aplatissement avec les plans de cisaillement rend impossible la détermination du caractère "simple" ou "pur" du cisaillement sur la seule base de la schistosité observée.

Cisaillement dans un granite breton

Les structures C et S sont parfois bien visibles dans des granites légèrement cisaillés, comme c'est le cas pour le granite suivant des environs de Quimper. La photographie brute est ensuite partiellement interprétée pour souligner quelques plans C et plans S. Ici, le cisaillement est dextre si la face photographiée est horizontale. Si la face est verticale, comme sur l'écran, le cisaillement correspond alors à un charriage, le haut de l'échantillon allant vers la droite.

Granite breton cisaillé

Figure 19. Granite breton cisaillé

Image brute.


Granite breton cisaillé

Figure 20. Granite breton cisaillé

Image interprétée.

Les plans C et S indiquent un cisaillement "dextre".


 
Localisation du granite, carte routière

Localisation du granite, vue aérienne

Localisation du granite, carte géologique

Déformation progressive en cisaillement

Sur le terrain, on peut observer le passage progressif d'une roche non déformée à son équivalent intensément déformé quelques mètres plus loin. Les roches suivantes proviennent des environs de Dun le Palestel (Creuse) dans la zone de la faille de la Marche, grand décrochement ductile senestre. À l'échelle régionale, un décrochement ductile correspond à une bande de cisaillement dans laquelle la déformation n'est pas homogène : des reliques "intactes" côtoient des roches ayant enregistré plus ou moins intensément cette déformation, et des plans de décrochement.

Sur les photographies suivantes, verticales à l'écran, les plans de cisaillement sont sub-horizontaux et le mouvement apparent est un charriage, le haut de l'échantillon allant vers la gauche. Dans la réalité, ces clichés correspondent à des surfaces horizontales, les plans de cisaillement sont alors verticaux et indiquent un décrochement senestre.

Granite non déformé, Dun le Palestel

Figure 24. Granite non déformé, Dun le Palestel

État non déformé du granite.

Des états de plus en plus déformés sont présentés ci-dessous.


Granite cisaillé, Dun le Palestel 1/4

Figure 25. Granite cisaillé, Dun le Palestel 1/4

Plan de cisaillement sub-horizontal, schistosité oblique associée légèrement sigmoïde.


Granite cisaillé, Dun le Palestel 2/4

Figure 26. Granite cisaillé, Dun le Palestel 2/4

Le décalage du feldspath en haut à gauche souligne le plan de cisaillement et montre le sens du mouvement relatif. La schistosité, plus marquée est aussi plus oblique et plus sigmoïde.


Granite cisaillé, Dun le Palestel 3/4

Figure 27. Granite cisaillé, Dun le Palestel 3/4

Déformation poussée : certaine parties montre C et S parallèles, mais C et S sont bien distincts dans les zones de déformation moins intense. La schistosité est parfois défléchie par des feldspaths.


Granite cisaillé, Dun le Palestel 4/4

Figure 28. Granite cisaillé, Dun le Palestel 4/4

Déformation intense : S et C peu distincts. La présence de cœurs de feldspaths permet encore de détecter le cisaillement et son sens.


Dun le Palestel, carte routière

Dun le Palestel, vue aérienne

Figure 30. Dun le Palestel, vue aérienne

Le Nord est à gauche. La faille ductile traverse l'image de haut en bas, au centre de l'image.


Dun le Palestel, carte géologique

Figure 31. Dun le Palestel, carte géologique

La faille ductile est figurée par la bande grisée.


Déformation intense avec marqueurs intégrés (oolites)

Les oolithes sont des marqueurs potentiels de déformation. Ci-après, des oolites sphériques "intactes" (photographie d'échantillon et surface de coupe) dans un calcaire oolitique du Jurassique des Corbières méridionales (Pyrénées), près de Calce, secteur métamorphique de la zone nord-pyrénéenne.

Oolites

Figure 32. Oolites

Photographie d'un échantillon "brut".


Oolites

Figure 33. Oolites

Échantillon, surface de coupe polie.


Lorsqu'on peut observer un affleurement déformé dans les trois directions de l'espace, il est alors possible de reconstituer l'ellipsoïde des déformations et de mieux décrire la déformation que lorsqu'un seul plan est disponible.

Oolites

Figure 34. Oolites

Face A : fort aplatissement horizontal. Le plan de la photographie est perpendiculaire à la schistosité.


Oolites

Figure 35. Oolites

Face B : linéation d'allongement sur le plan de schistosité (plan d'aplatissement) ici en position verticale.


Oolites

Figure 36. Oolites

Face C : face perpendiculaire au plan d'aplatissement et à la direction principale d'étirement (linéation). Un léger aplatissement horizontal est visible.


Oolites

Figure 37. Oolites

Diagramme 3D : ellipses des déformations des 3 faces.


Calce, carte routière

Calce, vue aérienne

Figure 39. Calce, vue aérienne

L'Est est en haut, pour bien visualiser les structures Est-Ouest.


Calce, carte géologique

Un exemple de quantification a déjà été proposé à partir de lames minces de cet échantillon (selon le plan appelé ici face A). En négligeant le léger aplatissement selon la face C, un calcul rapide permet d'estimer un allongement d'un facteur 2,5 dans la direction d'étirement et un aplatissement horizontal d'un facteur 1,6. On pourrait proposer un aplatissement-étirement (pure shear) avec une direction privilégiée d'allongement dans le plan d'aplatissement, ou un fort cisaillement (simple shear) doublé d'un léger aplatissement-étirement selon le plan de cisaillement-aplatissement. Le caractère peut-être légèrement sigmoïde de certaines oolites sur la face A pourraient faire pencher plutôt en faveur du cisaillement dominant. Ce n'est qu'en replaçant l'échantillon dans sa position initiale et en retrouvant les structures associées à l'échelle de l'affleurement que l'on pourrait lever les derniers doutes.

Dans le cas d'une composante cisaillante principale, ce cisaillement serait un décrochement en cas de schistosité verticale, et un chevauchement en cas de schistosité sub-horizontale.